Entre Fajalauza et siesta

Chez J-B,
Ce matin, après avoir visité Grenade, et notamment l’Alhambra, je reprends la route à travers les collines d’un rouge ocre de la Sierra Nevada, en me dirigeant vers Purullena. A peine entrée dans la ville, je fronce les yeux, ce qui n’est pas très bon pour mes toutes nouvelles rides. Et si j’accentues ces petits marqueurs du temps qui passe, c’est que j’aperçois dans la montagne des cheminés blanches. Des cheminés ? Ma myopie me joue visiblement des tours…
Pas du tout !
Il s’agit des maisons troglodytes qui parcours toute la ville construitent en flanc de montagne. Un peu surprise par cette particularité locale, j’ai l’impression d’être transporté dans un roman de fantasy, à deux doigts d’apercevoir un cyclope sortir de l’une de ces chaumières.
Mais au-delà du surprenant paysage de la ville, Purullena est surtout connue pour être avec le quartier Albacin à Grenade, le centre de la céramique typique de la région : la faïence Fajalauza. Pratiqué depuis 1517, ce type de poterie a pris forme grâce à la convergence culturelle, entre les méthodes chrétiennes et moresques. J’espère que tu as pu, en ton temps, admirer les motifs de grenades, d’oiseaux, ou de fleurs, dans des teintes bleues de pierre, bleus de manganèse, ou encore vert pur, car si la technique c’est un peu modernisée, les formes, les motifs et les couleurs sont restés inchangés.
Cependant, l’art du Fajalauza, comme le rhinocéros blanc est en voie d’extinction. Il y en a partout, je sais, mais même si on trouve de la céramique de Fajalauza à la vente partout en Andalousie, la fabrication n’est pas toujours ni artisanale, ni made in Spain, si tu vois ce que je veux dire ? Face à sa perdition progressive, la ville de Grenade a créé une Fondation pour faire connaitre le Fajalauza, et inciter les nouvelles générations d’artisans à s’y mettre.
Je viens de quitter l'atelier d'Antonio Morillas (pour découvrir cette rencontre, c’est par ici…), véritable artisan de Fajalauza. Et tu peux être fière de moi, parce que malgré ma maladresse, et l’accumulation de céramique en présentation, je n’ai rien cassé!
La voiture commence à être bien remplie, et le voyage ne fait que commencer, mais la journée de travail est finie pour le moment, c’est 15h. Je me fais la réflexion que vivre en Espagne c’est s’adapter à un rythme qui parait à mes yeux de française un peu particulier.
Pourtant, depuis quelques jours que je suis en vadrouille, cette temporalité s’impose à moi. Il est actuellement 15h… 15h et tous les commerces ont fermés, les rues sont désertes, et je me suis moi même adaptée à ce rythme : l’attraction de la sieste se fait sentir. Conséquence certaine d’une nourriture riche à base de patatas bravas, et de croquetas, corrélé à une chaleur assommante, et voilà que je fantasme sur un petit dodo au soleil.
Et si j’arrêtais de fantasmer pour m’accorder un petit repos ? Sur cette belle idée si réconfortante, je viens clôturer cette lettre, la siesta m’attend.
Je t’écrirai une belle lettre dès que j’arrive à Vejer de la Frontera, pour te raconter mes découvertes, et la beauté de la ville. Je suis impatiente d’y être…